vendredi 16 février 2018

Le rapport Spinetta - Synthèse détaillée

Hier a été remis au premier ministre le rapport Spinetta, du nom de l’ancien PDG d’Air France, missionné par le Premier Ministre Edouard Philippe pour “préparer une stratégie d’ensemble pour refondre le modèle du transport ferroviaire dans le cadre d’un marché ouvert à la concurrence, en préservant les missions d’un service public performant”.
Je vous en propose ici une lecture personnelle, ouverte à la discussion.

Disclaimer : Je suis cheminot, et attaché au service public, et l’objectif de cet article n’est pas ni de critiquer, ni d’encenser le rapport, ni même de donner mon opinion, simplement d’essayer de le comprendre de manière factuelle, sans arrière pensée diabolique cachée. Une idée un peu folle d’ailleurs serait de le compléter par un espèce de rapport citoyen collaboratif, précisant à quelles conditions certaines des propositions du rapport pourraient contribuer à l’amélioration du service public, ou les écueils à éviter pour chacune, de manière constructive. Si des motivés ouverts d’esprit lisent ces lignes, ceci est un appel à collaboration :).
Certains penseront peut être que le fait même d’essayer de comprendre mérite le goudron et les plumes ou le procès en haute trahison, ou s’arrêteront de lire à cette ligne. Mais je reste convaincu que l’opposition totale et fermée, ainsi que l’immobilisme ou la volonté de retour en arrière font beaucoup plus de mal au système que les tentatives d’adaptation au monde qui nous entoure et à son évolution, quoiqu’on pense de ceux-ci.

I) Pourquoi ce besoin de refondre le système ?

a) L’Europe

Ce point est en fait peut être le plus cristallisant du débat pour beaucoup, qui réfutent l’idée même de l’ouverture à la concurrence dans le ferroviaire et donc l’orientation de base de l’étude. Mais pour autant qu’on puisse en débattre, ce point est en fait déjà tranché par l’Europe depuis 2016, à travers la directive 2012/034 et le réglement OSP, qui définissent respectivement au 14/12/2020 pour les grandes lignes (TGV) et à décembre 2023 pour les services conventionnés (TER) la date maximale d’ouverture à la concurrence.
Revenir sur ce sujet revient donc à revenir sur l’engagement européen de la France, ce qui est tout à fait respectable mais dépasse largement le cadre de notre débat.
L’ouverture à la concurrence doit donc être considérée comme un objectif obligatoire, et avec lui les enjeux qui la sous-tendent, à savoir :

  • le maintien d’un niveau maximal de sécurité (voir plus bas)
  • la maximisation de la satisfaction client
  • le non-dumping social et le respect des règles sociales françaises
  • l’optimisation de l’utilisation de l’argent public, avec des critères qui ne sont pas uniquement financiers, mais également sociaux ou encore environnementaux.
Le véritable enjeu de la discussion est donc : comment réussir à concilier au mieux tous ces enjeux ?

b) Le système coûte cher, et de plus en plus

D’aucuns répliqueront tout de suite qu’on ne peut pas tout voir sous l’angle financier. C’est bien entendu exact, et certaines dépenses peuvent paraître aberrantes dans l’absolu, et pourtant totalement justifiées au regard d’une certaine politique d’aménagement du territoire.
Mais comme il s’agit d’argent public, l’obligation est a minima de s’interroger sur son utilité, et donc de se poser la question : « est-ce que l’État ne pourrait pas obtenir un résultat égal ou supérieur (quelle que soit la façon de mesurer), en dépensant le même montant d’argent autrement, ou en en dépensant moins? ».
Surtout que les montants en jeu sont importants : jusqu’à 16,7 Milliards d’Euros par an injectés dans le ferroviaire, soit l’équivalent de la construction de 4000 écoles par an, ou de 350 000 postes de fonctionnaires. Et ce montant est en hausse de plus de 2 % par an.



Alors bien sûr, les bénéfices associés sont la plupart du temps énormes pour la collectivité, mais certains chiffres interpellent, par exemple :

  • Le taux de remplissage moyen des TER de 25 % . Et quand on voit certains TER archi-bondés, on imagine à quel point d’autres doivent être vides ailleurs pour aboutir à 25 % de moyenne !
  • 44 % du réseau voit passer moins de 2 % des voyageurs et nécessite 1.7Md€/an car il s’agit la plupart du temps de lignes hors d’âge. « Parmi les réseaux européens, seul le réseau ferré national français compte une telle proportion de lignes à faible trafic. » comme le relève le rapport Rivier.
Il ne s’agit donc pas tant de réduire les dépenses que de se poser la question si elles sont bien dirigées là où c’est vraiment utile. D’autant plus qu’avec son déficit récurrent et sa dette croissante, la situation du système ferroviaire n’est pas soutenable sur le long terme.

c) L’idée qu’on peut faire autrement

Le rapport ne se risque pas beaucoup à des comparaisons avec d’autres pays européens, qui sont toujours extrêmement périlleuses et souvent biaisées d’un côté ou de l’autre.
Malgré ça, on peut revenir sur 3 points :

  • Il faut d’abord évacuer le cas de la privatisation de la gestion du réseau par les Britanniques de 1994 à 2001, qui a donné lieu notamment à la catastrophe ferroviaire de Hatfield (4 morts et 170 blessés). Il s’agissait là d’abord d’une privatisation là alors qu’on parle d’une libéralisation chez nous, et surtout du gestionnaire du réseau, là où on parle surtout des transporteurs. Cette politique n’a aujourd’hui plus beaucoup de supporters, et sur le plan de la sécurité, les résultats des Britanniques sont tout à fait respectables aujourd’hui, voire meilleurs que ceux des Français (voir par exemple ce rapport de l’agence de sécurité européenne ERA : http://www.era.europa.eu/Document-Register/Documents/Railway%20Safety%20Performance%202016%20final%20E.pdf)
  • Les exemples européens sur la qualité de service montrent que d’autres systèmes peuvent aussi avoir des résultats, même si chacun a bien entendu des défauts : taux de régularité de 97.5 % pour les trains régionaux néerlandais par exemple, malgré une très forte densité de trafic, ou 96.3 % en Allemagne (dans les 2 cas avec des réseaux beaucoup plus maillés donc résilients), contre 90.3 % pour la France
  • L’exemple allemand, et même l’exemple britannique, bien que de plus en plus critiqué et remis en question, montrent également une réduction des concours publics (largement compensée en Grande Bretagne par la hausse du prix des billets, mais il peut s’agir d’une volonté politique assumée choisie par les citoyens à une certaine époque).
Bien entendu, comparaison n’est pas raison, et il n’est pas question d’appliquer bêtement un modèle étranger, mais bien de s’interroger sur les moyens de récupérer ce qui fonctionne ailleurs, tout en gardant ce qui fonctionne chez nous.

II) Les propositions du rapport

a) Redéfinir les priorités et le rôle du ferroviaire

1) Remettre en question la pertinence des petites lignes

Ce point déjà évoqué plus haut n’appelle pas forcément une réponse unique, et doit être analysé en fonction de l’état de l’infrastructure, de son utilité et plus largement de son bilan socio-économique, en toute transparence. La fermeture des lignes les moins pertinentes devrait être facilitée, et les crédits ainsi libérés pourraient être réutilisés pour par exemple renforcer le cadencement sur les lignes plus circulées.

Lignes les moins circulées du réseau en 2013 (source : rapport Spinetta)
De même, le rapport propose que les régions soient responsabilisées dans cette démarche, en ajoutant une part régionale aux redevances actuellement payées par l’État à SNCF Réseau pour la circulation des TER de manière à couvrir le coût complet du réseau. Les régions ont d'ores et déjà annoncé qu'elles n'étaient pas favorables à remettre la main à la poche pour financer ces petites lignes.
Le rapport prévoit également la signature d’un contrat entre les régions et les métropoles sur l’intermodalité, obligeant à se questionner sur l’intégration du train dans l’ensemble de l’offre de transport sur le territoire.

2) Mettre le paquet sur les lignes les plus densément circulées

Pour augmenter leur performance et moderniser leur exploitation, le rapport propose de réviser la trajectoire d’investissement de SNCF Réseau pour prioriser les lignes ayant les plus forts enjeux de performance.

3) Favoriser le développement des trafics TGV

Il n’est pas question ici de nouvelles infrastructures (étudiées par ailleurs dans le rapport Duron du Comité d’Orientation des Infrastructures), mais surtout des péages (voir d’ailleurs ici une explication sur le système).
Le rapport évacue la possibilité de restreindre la circulation des TGV aux seules Lignes à Grande Vitesse, bien que cette option puisse être économiquement pertinente (-15 % de chiffre d’affaire, mais +20 % de MOP, et un tiers de rames en moins selon une étude SNCF), pour des raisons d’aménagement du territoire et de difficultés pratiques à la mettre en œuvre. L’étude montre par contre que le service TGV n’est pas purement commercial, et que la SNCF ne choisit pas seule les dessertes qu’elle souhaite assumer aujourd’hui.
Afin d’équilibrer le système, que la SNCF ne soit pas désavantagée et que les dessertes continuent malgré tout à exister, le rapport propose de moduler les péages en fonction du chiffre d’affaire de chaque ligne, ce qui permettrait que les entreprises ferroviaires payent moins cher pour un train moins plein.

b) Rétablir l’équilibre économique du système

1) Faire maigrir l’EPIC de tête

Réunissant notamment les fonctions transverses, le rapport propose d’externaliser tout ce qui n’est pas spécifique...

2) Renforcer les efforts chez SNCF Réseau

En échange d’une possibilité de reprendre une partie de la dette qui est de toute façon non amortissable, et de l’augmentation des dividendes versées par SNCF Mobilités, le rapport propose de donner à l’ARAFER le pouvoir de définir les objectifs de productivités de SNCF Réseau, les augmenter de 160M€ d’ici 2026, et de réduire la hausse des péages à partir de 2020.
Le problème de la dette serait alors définitivement réglé en transformant l’entreprise en société anonyme, à capitaux 100 % publics et incessibles, de manière à empêcher que l'Etat puisse la conduire à reconstituer une dette impossible à amortir.

3) Renforcer la compétitivé du fret et normaliser Fret SNCF

Pour renforcer le fret en France, le rapport suggère de créer une filiale de SNCF Réseau spécialisée dans la gestion des capillaires fret et des installations de service, et de ne pas augmenter le prix des péages fret comme prévu aujourd’hui, pour rétablir un peu d’équité avec la route, où l’utilisation de l’infrastructure est également sous-tarifée.

Concernant Fret SNCF, le rapport reprend l’analyse déjà évoquée dans les médias selon laquelle les engagements pris par SNCF face à la Commission Européenne lors de sa recapitalisation en 2005 n’étant pas tenus, et la branche étant toujours en déficit avec une dette importante, la Commission ne laissera pas d’autre choix à la France que de filialiser l’activité pour accepter de la sauver.

4) Maximiser les revenus du TGV

Le rapport propose que la limite maximale fixée par l’État au tarif du billet TGV 2nde classe soit supprimée, en premier lieu sur Paris-Lyon-Marseille, car n’ayant pas de raison d’exister dans un marché commercial, et que TGV mette en place des tarifs aller-retour permettant de mieux optimiser les recettes, au-delà de la seule offre en carte Weekend existant aujourd’hui. Au delà de ça, le rapport ne propose pas d’évolution des péages, au-delà de la réduction de la hausse mentionnée précédemment. Il suggère plutôt de revoir les calculs comptables de SNCF Voyages aboutissant à une non rentabilité de l’activité…

Dans cette partie, le rapport note également au passage que l'offre Ouigo, bien que très pertinente, n'est pas encore à l'équilibre économique, et qu'il faut donc s'attendre à des hausses de prix de ces billets...

c) Les modalités de l’ouverture à la concurrence

Sur ce sujet hautement sensible, seuls les grands principes de mise en œuvre sont définis dans les directives européennes (obligation de neutralité du Gestionnaire d’Infrastructure, principes de séparation comptables, dates butoir, …). Les modalités principes restent à définir et font l’objet des propositions du rapport.
Notons tout d’abord qu’il existe en règle générale 2 types d’ouvertures à la concurrence dans le secteur :

  • Concurrence pour le marché, avec appel d’offre pour une certaine partie du réseau (une ligne, un groupe de lignes, …), et une réponse qui inclut notamment le montant de la subvention d’équilibre que l’entreprise juge nécessaire pour assumer le contrat (et qui peut être nulle s’il s’agit d’un service rentable). Ce type de concurrence nécessite une autorité organisatrice, qui définit les termes du contrat, le pilote, et verse la subvention d’équilibre (éventuellement modulée par des pénalités).
  • Concurrence dans le marché, ou en open access, où chaque entreprise est libre de proposer ses services en parallèle des autres. Ce mode de fonctionnement nécessite des règles d’attribution des sillons claires et impartiales.

1) Pour les transports régionaux

Dans ce domaine, le règlement OSP (Obligations de Service Public) européen prescrit une ouverture à la concurrence possible à partir de Décembre 2019, et obligatoire à partir de Décembre 2023.
Le rapport propose quant à lui les mêmes échéances, en poussant pour que l’attribution sans concurrence reste la règle jusqu’en 2023, l’ouverture à la concurrence restant possible sous forme d’exception à la demande des régions.
Pour les lignes Transilien, compte-tenu de leurs spécificités, l’échéance est repoussée à 2039 pour les lignes A et B du RER, à 2033 pour les lignes C, D & E, et entre 2019 et 2033 pour les autres lignes à l’appréciation d’Ile de France Mobilités.
Pour ce faire, les données nécessaires devront être définies par l’État et validées par l’ARAFER, et la concurrence se fera pour le marché, sous forme d'appels d'offres, dont la consistance sera laissée à l'appréciation des régions, et pourra donc soit prendre la forme de lignes isolées du reste du réseau (comme déjà identifié en Rhones-Alpes avec la ligne St Gervais-Vallorcine ou le tram-train de l'Ouest Lyonnais), soit de portions de réseau plus conséquentes.

Le Matériel Roulant et les Ateliers de Maintenance doivent pouvoir être repris par les Régions qui en feraient la demande, moyennant une compensation financières à la SNCF.

Concernant le système billettique et de distribution, celui de la SNCF devra d’ici 2023 être en mesure de commercialiser en toute équité les offres des autres entreprises régionales. Ce sujet reste pour l’auteur à approfondir techniquement.

2) Pour les transports longue distance

Pour ces services, l’auteur suggère de privilégier la concurrence en open access, où chaque entreprise peut librement proposer ses services.
Pour éviter le phénomène d’écrémage, où les entreprises se concentrent sur les dessertes rentables et suppriment celles qui ne le sont pas, le rapport propose 3 pistes :

  • Réfléchir à une meilleure articulation avec les TER lorsque le TGV ne s’impose pas logiquement
  • Ouvrir la possibilité de conventionner certaines dessertes TGV, sous forme d’appel d’offre
  • Inclure dans la définition des accords-cadres entre SNCF Réseau et les entreprises ferroviaires une réflexion sur les dessertes terminales (par exemple : réserver une partie des sillons sur la relation Paris-Lyon aux trains qui font Paris-Lyon-Grenoble)
Pour l’attribution des sillons, le rapport se limite à recommander une étude des modalités de traitement de la congestion et la publication d’un état des lieux des capacités disponibles à différents horizons de temps.
Il rejette la possibilité de mettre en place des ROSCOS (entreprises de location de matériel roulant), préférant pousser l’amélioration de la visibilité sur la disponibilité des sillons et leur tarification, dans le cadre d’accords-cadres, permettant aux entreprises d’investir pour du long terme.

En ce qui concerne les tarifs, le rapport propose de supprimer les règles qui subsistent sur la régulation des tarifs TGV, qui datent d’une autre époque et n’ont plus grande pertinence aujourd’hui. Il propose également soit d’étendre les tarifs sociaux à toutes les entreprises, soit de les supprimer et de les laisser à l’initiative des entreprises ferroviaires (comme c’est en fait déjà le cas pour SNCF puisque l’entreprise ne reçoit plus de compensation de l’État pour ces tarifs depuis quelques années…).

3) Le transfert des personnels

i. Pourquoi ?

A partir du moment où SNCF va perdre des contrats, ce qui est inéluctable avec l’arrivée de la concurrence, on ne peut pas imaginer qu’elle garde le personnel si elle ne garde pas les missions qu’il assurait jusqu’à aujourd’hui. De plus, étant donné la spécificité des métiers ferroviaires, repartir à zéro à chaque nouvelle entreprise présenterait un risque inacceptable, et des surcoûts énormes liés à la formation.

ii. Quels personnels ?

Ce point resterait à définir entre la SNCF et l’autorité organisatrice, avec éventuellement le contrôle de l’ARAFER. Il concernerait l’ensemble des métiers concourant directement à la production du service, ainsi qu’une partie des fonctions support.
La désignation précise du personnel concerné devra faire l’objet d’une concertation entre toutes les parties, éventuellement tranchée par un décret en Conseil d’Etat si les négociations n’aboutissent pas entre les partenaires sociaux.

iii. Comment ?

Le rapport suggère d’appliquer les dispositions du statut de cheminot sur la mobilité fonctionnelle et géographique, qui implique déjà une obligation de mobilité, sous peine de rupture de contrat de travail. Cette obligation contractuelle de mobilité est aujourd’hui déjà une des contreparties à la garantie de l’emploi.

iv. Quelles garanties ?

- Maintien du salaire net
- Maintien de l’ancienneté
- Maintien du régime spécial de retraite (avec une surcotisation T2 payée par le nouvel employeur)
- Maintien de la garantie de l’emploi (rupture du contrat uniquement dans les cas prévus au statut)
- Maintien des facilités de circulation pour l’agent et ses ayants droits. Par contre, il est à craindre que ces facilités soient considérées comme des avantages en nature, et donc éventuellement fiscalisées.
- Maintien d’un régime de prévoyance au moins équivalent à l’existant, avec la possibilité d’accéder au réseau de médecins SNCF
- Maintien des accords collectifs jusqu’à négociation avec le nouvel employeur, et maintien des accords locaux et des usages (EVS) jusqu’à dénonciation par le nouvel employeur.
- Maintien au moins au départ d’une partie du principe des notations, sous des modalités qui ne semblent pas très claires à ce stade.

4) Améliorer la compétitivité de la SNCF

L’auteur du rapport est convaincu que la SNCF est moins compétitive que le marché à hauteur de 30 %, principalement en raison de :

  • Régime spécial des retraites (surcotisation T2) : +12 %
  • L’organisation du temps de travail avec l’accord d’entreprise équivalant au RH00077
  • Le dictionnaire des filières, qui empêche la polyvalence des agents
  • Le déroulement des carrières qui entraîne une augmentation des salaires plus forte que la moyenne
  • Des frais de structure importants.

Pour y remédier, le rapport propose 3 mesures :

  • Laisser l’entreprise négocier comme toutes les autres entreprises, sans nécessiter une approbation par l’État de certaines modifications
  • Arrêter les recrutements au statut, sans modifier ses conditions pour les agents y étant soumis aujourd’hui, et en mettant en place des accords sociaux (comme pour les PS25 aujourd’hui), permettant d'atténuer les différences entre les 2 régimes.
  • Autoriser le recours à des plans de départs volontaires, permettant de faire partir des agents le souhaitant dans des conditions adaptées, avec des offres de reclassement et de formation appropriées, et à hauteur d’environ 5000 postes. Cette possibilité permettrait de résorber une partie des sureffectifs de l’entreprise dans certains services non précisés.

5) Revoir l’organisation du secteur

Jean-Cyril Spinetta termine son rapport sur plusieurs propositions visant à retoucher certaines dispositions de la loi de réforme ferroviaire du 04 Août 2014 sur les points suivants :


  • Transformer SNCF Mobilités en Société Anonyme à capitaux publics. Ce point hautement conflictuel est pourtant inévitable car déjà jugé par la Cour de Justice de l’Union Européenne après plusieurs procédures de la Commission Européenne, considérant que le statut d’EPIC offrait une garantie financière illimitée à l’entreprise, et donc un avantage concurrentiel inéquitable.
  • Rattacher Gares & Connexions à SNCF Réseau, en filialisant certaines activités (notamment l’activité de développement commercial des gares), et envisager le transfert de propriété de certaines gares régionales aux Régions.
  • Revoir le rôle et les missions de la SUGE, en séparant ce qui relève du gardiennage pouvant être effectué par d’autres entreprises, des missions qui relèvent de la police ferroviaire, pouvant être rendues obligatoires pour toutes les entreprises financières et donc financé par une taxe sur les entreprises ferroviaires.
  • Confier les missions de gestion de crise à SNCF Réseau, clarifier le reste des missions de l’EPIC SNCF de tête et envisager sa fusion avec l’EPSF, voire en faire une agence indépendante, oeuvrant pour l’ensemble des entreprises ferroviaires et promouvant notamment la sécurité de tout le système (directeur général sécurité aujourd’hui propre aux 3 EPIC SNCF, demain à toutes les entreprises).


Conclusion

Les propositions de ce rapport ne seront pas forcément intégralement reprises telles quelles par le gouvernement lors de la rédaction de son projet de loi (ou de ses ordonnances, cette possibilité un temps évoquée n'ayant à ma connaissance pas encore été écartée), mais on peut tabler qu'elles l'inspireront grandement, après la phase de concertation déjà annoncée dès la semaine prochaine.
Elles ne manqueront pas de faire réagir les cheminots, et notamment la CGT qui a déjà annoncé une manifestation pour le 22 Mars.
Le changement fait toujours peur, et on peut donc comprendre l'inquiétude des cheminots qui peuvent être personnellement touchés par les propositions annoncées. Cela ne justifie pas pour autant toutes les généralisations qu'on va beaucoup entendre dans les prochaines semaines, et l'hystérisation à venir des deux camps, que ça soit certains journalistes ou invités politiques caricaturant les cheminots comme des feignants ou des nantis, ou certains cheminots s'opposant à tout, sauf au retour en arrière. Espérons que ce rapport puisse évoluer avec la prise en compte des arguments qui seront donnés dans les prochaines semaines, et qu'il ne se traduise pas par la caricature qu'on peut déjà en lire sur les réseaux sociaux.

Les prochains mois ne devront pas faire perdre de vue le rôle essentiel du ferroviaire en général, et du service public ferroviaire en particulier, et même si on peut s'opposer sur les moyens de le sauver et de le développer, il faudra éviter les procès d'intention, les condamnations aveugles, et le refus d'analyser les propositions qui seront faites d'un côté comme de l'autre.
La SNCF continuera à avoir un rôle essentiel à jouer dans le futur système ferroviaire, de par son histoire si riche et ses compétences indéniables dans beaucoup de domaines, mais elle doit aussi accepter de se remettre en question, et surtout nous, cheminots, ne devons pas oublier que c'est d'abord nous qui devons continuer à collaborer, nous entraider, servir les usagers et les clients, et peut être, au final accepter de ne plus être les seuls à assurer le service public en direct, mais "seulement" de répondre aux objectifs des représentants élus du peuple, qui deviendront, eux, plus responsables de leur stratégie, et dont il faudra bien s'assurer qu'ils le soient.

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